LA QUEUE ENTRE LES JAMBES

LES SAVANTS DE SELENA, J. LORD
PLON / BLADE # 8, 1977

Ce n'est pas parce que virilité rime avec facilité qu'il faut pour autant s'imaginer que nos guerriers sur-hormonés, champions du baston et de l'action en pilules de 220 pages mensuelles, se reposaient sur leurs lauriers.
La vie est un combat, bébé.
Volume après volume, page après page, c'est toujours le même programme qui se répète. On se bastonne, on se dérouille, on se flingouze, et entre deux échauffourées, crack ! une petite poulette bien pulmonée qu'on couche sur un pageot afin de lui expliquer les rudiments de ma limace dans ton bulot.
Pas de repos pour les héros, le CDD s'effectue en 168 heures / semaine. Du coup – c'est logique ! – le surmenage et la dépression pointent de temps à autre leur vilain bout de nez.
Richard Blade, intrépide explorateur de la Dimension X, à la fois James Gordon et Flash Bond de la Sex S-F, en sait quelque chose. Il débute le huitième épisode de ses aventures sur les rotules, c'est à la fois tragique et magnifique.
Tragique car la bête, véritable bourrin de compétition, catégorie Maciste dans les étoiles, Hercules in Uranus, Spectacular Spartacus 3000 - la bête est aux abois.
Magnifique car l'incipit de ce Savants de Séléna est, de toute ma vie d'enchnouffé au roman de gare, l'une des plus belles choses que j'eusse pu lire. Vises-moi donc un peu ce morcif !
"Il était impensable que Richard Blade, entre tous les hommes du monde, devienne impuissant. Et pourtant c'était arrivé. Il était en pleine force de son âge, il avait un corps magnifiquement musclé, en forme superbe, un esprit aigu et hautement entraîné, et pourtant il fallait bien se rendre à la triste évidence : il faisait partie du club des phallus mous."
Le club des phallus mous ! J'ai un instant cru à une farce de la traductrice (l'excellente France-Marie Watkins) mais non ! Manning Lee Stokes, le ghost-writer de cet épisode, ne déconne pas.
Les désordres sexuels, chez lui, c'est du sérieux. Ses romans de commande en sont remplis, il aime à accumuler les tares et les vices comme d'autres se perdent en recherches google abusives. Nain bossu obèse et priapique ou nymphomane lesbienne frigide, qu'importe si cela ne fait sens - ou alors sens inverse en marche arrière. Souvenons-nous de cette sorcière, dispensatrice zélée de fellations et qui, dans le premier épisode des aventures de Blade, s'écriait entre deux suçotements : "Ah Blade, si l'on pouvait concevoir ainsi j'aimerais que tu me fasses un enfant par la bouche."
Malheureusement, Manning Lee Stokes tient rarement ses promesses. Je l'avais déjà remarqué au sein des séries Nick Carter Killmaster et Penny S. : ses romans sont à la fois les plus dérangés et les moins excitants du lot. Celui-ci n'échappe pas à la règle et, une fois passé cet extravagant deuxième chapitre (qui voit Blade délirer entre paradis de néons fluorescents et enfer de mamelons crépitants), le bouquin retombe dans l'émolliente routine de la space-fantasy virile.
Envoyé en mission dans la Dimension X et subitement redevenu tout dur du phallus, notre héros affronte une peuplade d'égoutiers débilitants, incestueux et congénitaux à la morlock-moi-l'noeud. Leur reine est une vieille bimbo re-liftée et leur chef un vil individu qui trace, sans raison apparente, des croix gammées dans les airs. Quant au clou du spectacle, il s'agit d'un duel homérique opposant Blade à... un rat mulot enragé !
Je te la fais courte : 220 pages plus tard, Blade rentre chez lui, comme d'habitude.
Et si il bande encore, il n'a par contre fait jouir personne.

8 commentaires:

Frédérick a dit…

Je l'ai aussi lu, celui-là (j'ai lu les 9 premiers, ben oui !). La première en question m'avait bien fait rire.

Quant au reste, en effet, il se dilue dans la mémoire avec une vitesse inversement proportionnelle à celle de l'action dans UN MONSTRE VA NAÎTRE.

Frédérick a dit…

La première en question = la phrase en question.

Comme quoi ces lectures atomisent le cerveau.

ROBO32.EXE a dit…

ah ah ! exactement ! après le club des phallus mous, celui des cervelles molles !

Kerys a dit…

A se demander en effet quelle part fut traduite et quelle part réécrite…

ROBO32.EXE a dit…

Je me souviens avoir consulté l'édition US (Undying World) et, en ce qui concerne le premier paragraphe, c'est sûr et certain, rien n'a été trafiqué par F-M. Watkins. En anglais dans le texte, le club des phallus mous donnait quelque chose comme « the flacid penises club. »
C'est beau, la poésie !

julius marx a dit…

Le problème de cette collection (comme pas mal d'autres, hélas) c'est bien souvent le pompeux responsable qui vous explique comment et pourquoi écrire avec un cahier des charges pire qu'une série télé. Les auteurs traducteurs (il faut avouer qu'une grande partie des bouquins était écrite par des nègres (je le sais j'en ai pondu deux) n'avaient aucune liberté. Ce qui n'est pas le cas de la série "Le Mercenaire", mais ceci est une autre histoire.

Kerys a dit…

M. Marx, desquels s'agissaient-il ? J'avoue n'avoir jamais vu de cahier des charges chez GDV, mais c'est vrai que je suis arrivé plus tard (en gros, tan,t qu'il y avait le bon nombre de pages, ça allait…)

julius marx a dit…

Celui qui est sorti s'appelait (si le titre original a été conservé) l'immortel de la nouvelle Terre.
Pour le cahier des charges, il était aussi bien oral qu'écrit.